Aurélien Aufort : « Les résultats de Travel Explorer sont au-delà de nos attentes »

Nous avons eu l’opportunité de rencontrer Aurélien Aufort, Directeur Général de Marietton Développement, dans les bureaux d’Orchestra le jeudi 14 novembre. A cette occasion, Aurélien nous a présenté les enjeux technologiques liés à la solution Travel Explorer. Cette plateforme digitale permet aux agences de voyage de réaliser des voyages à la carte et des itinéraires multi-destinations. Il a également partagé les premiers résultats encourageants de ce projet ambitieux, ainsi que des perspectives prometteuses pour 2025.

Aurélien, vous êtes Directeur Général de Marietton Développement. Présent au sein du groupe depuis vingt-deux ans, vous dirigez depuis sept ans les activités des tour-opérateurs de Marietton, avec une focalisation particulière sur Héliades et Voyamar, les deux entités historiques du groupe. Quels sont les enjeux technologiques actuels ?

Aurélien Aufort : Notre objectif est de renforcer nos capacités technologiques tant en back-office qu’en distribution, car ces aspects sont aujourd’hui cruciaux pour les voyagistes. Nous avons pris historiquement un peu de retard dans ce domaine. La collaboration avec Orchestra nous permet de nous approprier notre back-office d’une part et de tirer profit de la technologie de Travel Compositor au sein du groupe Travelsoft d’autre part (l’implémentation de la plateforme Travel Compositor au sein du groupe Marietton se nomme Travel Explorer).

Chez Marietton, le défi est d’uniformiser nos multiples structures, issues des nombreuses acquisitions réalisées par le groupe. Chaque unité utilise actuellement des systèmes différents, ce qui pose des problèmes en termes d’interconnexion et de mutualisation des ressources. Pour y remédier, nous allons bientôt déployer un back-office, un front-office et un mid-office communs. L’objectif est clair : disposer d'une suite logicielle unifiée et performante, notamment avec Travel Explorer.

Pourquoi avoir créé une joint-venture avec Orchestra ?

A. A. : La création de cette joint-venture avec Orchestra est née d’une réflexion partagée avec Christian Sabbagh (Fondateur et Président d’Orchestra) autour des enjeux de back-office notamment. Les enjeux technologiques qui liaient nos deux groupes étaient tels qu’il nous semblait indispensable de renforcer notre collaboration. Nous avions deux options : développer notre propre technologie en interne ou nous associer à un acteur expérimenté.

Nous avons rapidement écarté l’idée de développer une solution nous-mêmes. Ce n’est pas notre cœur de métier, et nous savions que cela nécessiterait des investissements considérables, tant en ressources qu’en temps. Avec le retard technologique que nous avions accumulé, il était impossible de concevoir un back-office d’ici 2025.

Quelle est la genèse de Travel Explorer, la plateforme de réservation à la carte ?

A. A. : Travel Explorer est né d’un besoin identifié au sein des agences de voyages. En France, il existe une demande croissante pour des offres de produits à la carte, clé en main. Jusqu’ici, nous n’avions pas la plateforme adaptée pour répondre à cette demande.

De plus, avec la croissance rapide du groupe Marietton, nous avons atteint un seuil critique où la technologie devenait indispensable pour permettre à nos agents de voyages de proposer des solutions à la carte et des itinéraires multi-destinations. C’est ce constat qui a conduit à la création de Travel Explorer.

Avec plus de 430 agences à gérer, nous devions impérativement combler une lacune des tour-opérateurs traditionnels : offrir une solution connectée pour des voyages à la carte. Aujourd’hui, cette solution fonctionne bien pour un grand nombre de destinations, mais il reste environ 20 % de pays où les connexions à l’offre ne sont pas optimales. À terme, l’objectif est de couvrir 100 % des destinations.

Quelles destinations rencontrent le plus de succès ?

A. A. : Les destinations qui fonctionnent le mieux sont New York et les capitales européennes. Cela illustre le fait que, pour l’instant, nous valorisons davantage une plateforme technologique qu’une réelle expérience de voyage. Nous sommes encore très axés sur les courts séjours, au détriment des destinations plus lointaines, qui nécessitent probablement une plus grande confiance des utilisateurs.

Travel Explorer peut-il s’imposer comme une solution centrale ?

A. A. : Aujourd’hui, Travel Compositor n’est pas intégré dans un modèle B2B2C comme celui d’Orchestra. Par exemple, si nous ajoutons un produit dans Travel Compositor, il ne remonte pas automatiquement dans le système d’une enseigne comme Leclerc Voyages, ce qui complique la gestion de la production. Nous travaillons activement pour intégrer ces éléments. Une fois cette chaine pleinement opérationnelle, cela sera une nouvelle étape majeure.

Vous intéressez-vous à d’autres solutions du groupe Travelsoft ?

A. A. : Tout à fait. Par exemple, pour faciliter ces évolutions, nous avons validé l’intégration de Travelsoft Pay, le système de paiement en ligne du groupe Travelsoft, qui sera opérationnel en décembre. Nous suivons également de près les développements autour de TravelgateX, une autre plateforme du groupe Travelsoft, basée aussi à Palma de Majorque, qui propose une solution B2B d’agrégation d’hôtels, et qui devrait devenir un hub stratégique pour nos opérations.

Travel Explorer est-il déployé sur tous vos tour-opérateurs ?

A. A. : Actuellement, Travel Explorer est pleinement opérationnel chez Héliades et Voyamar. À partir de début 2025, Austral Lagon et Jetset Voyages bénéficieront également de cette plateforme qui permet de créer en quelques clics un voyage sur-mesure dans le monde entier. Il donne accès à un stock important d’hébergements variés (hôtels, villas ou appartements), des transports multi modaux, des locations de voiture, des transferts, ainsi que des excursions et autres expériences. Ce déploiement marque une étape importante vers l’harmonisation des outils technologiques au sein de nos différents tour-opérateurs.

Comment sont structurées les équipes autour de Travel Explorer ?

A. A. : Pour garantir le bon fonctionnement de Travel Explorer, nous avons mis en place une structure dédiée. Elle repose sur trois piliers : une équipe technique composée de deux personnes, chargées du paramétrage et de la gestion fonctionnelle de la solution ; une équipe commerciale, responsable de sa promotion auprès des agences de voyages ; et enfin, une équipe de réservation et de production. L’objectif est clair : assurer un suivi rigoureux, générer des idées, ajuster le pilotage, et optimiser les performances pour répondre aux attentes du marché.

Quel bilan tirez-vous du lancement de Travel Explorer ?

A. A. : Lancé en février 2024, Travel Explorer a été déployé dans toutes les agences du groupe, ainsi que dans les principaux réseaux. Une équipe commerciale d’une dizaine de personnes se déplace sur le terrain pour promouvoir notre plateforme de voyages à la carte. Nous avons aussi collaboré avec une agence de communication pour développer la marque, avec des actions fortes comme le challenge "Tour du Monde" organisé au salon IFTM. Les résultats sont au-delà de nos attentes : 30 millions d’euros de volume d’affaires dès la première année, alors que je n’espérais pas ce niveau avant la deuxième année. Cela prouve que la plateforme est bien conçue et répond à une véritable demande. Technologiquement, elle n’a pas d’équivalent.

Sa richesse fonctionnelle peut néanmoins être une barrière à son utilisation : elle demande une maîtrise qui peut freiner les agences, qui recherchent des solutions simples. Nous devons donc simplifier la solution, tout en formant les utilisateurs.

Quels sont les principaux défis à relever ?

A. A. : Nous devons maintenant entrer dans une phase de consolidation. L’objectif est que les agences puissent avoir une totale confiance dans Travel Explorer. Bien que la première phase, consistant à connecter toutes les fonctionnalités de base, ait été un succès, des évolutions sont en cours de mise en œuvre comme les circuits et les croisières. Nous allons également introduire davantage de production interne pour enrichir l’offre. Les réservations faites sont riches en prestations ce qui implique un suivi opérationnel important.

Quelle est la prochaine étape ?

A. A : Au-delà de la plateforme technologique en tant que telle, il faut que Travel Explorer incarne véritablement l’expérience d’un tour-opérateur. Les agences de voyages ne doivent pas avoir l’impression d'utiliser simplement une technologie, mais bien de réserver simplement un voyage complexe, avec toute l’expertise et l’accompagnement qui vont avec.

C’est dans cette optique que nous avons immédiatement intégré un service de conciergerie à destination, afin de gérer et anticiper les éventuels problèmes des voyageurs. Par ailleurs, nous travaillons activement sur l’amélioration de notre inventaire. Par exemple, nous avons décidé de limiter les hôtels qui ont une note inférieure à 7 sur 10 sur TripAdvisor, tout en mettant en avant les produits que nous estimons les plus pertinents. Cela permet d’assurer une expérience client optimale et de positionner Travel Explorer comme une solution véritablement différenciante.

Utilisez-vous l’intelligence artificielle (IA) ?

A. A : Oui, nous utilisons l’IA, notamment pour rédiger des descriptifs et améliorer notre productivité. Cependant, nous avons encore besoin d’un cadre clair pour maximiser son efficacité : des mots-clés, des phrases-types, et des bonnes pratiques à adopter. Une fois ces éléments en place, nous pourrons mieux briefer nos agences pour qu’elles exploitent tout le potentiel de l’IA.

Quels sont les enjeux commerciaux pour Héliades et Voyamar en 2025 ?

A. A : Notre ambition pour 2025 est de doubler le chiffre d’affaires généré par Travel Explorer, en atteignant plus de 60 millions d’euros. Il faut rappeler que nous avons commencé en février 2024 avec une véritable montée en puissance à partir d’avril. L’objectif est donc réaliste, surtout avec une solution qui évolue et un réseau commercial bien mobilisé. Pour nos tour-opérateurs, nous visons une croissance de 15 % du chiffre d’affaires. Les fondamentaux sont bons, mais notre secteur est toujours exposé aux aléas, qu’il s’agisse de crises économiques, climatiques et géopolitiques, ou de problèmes dans l’aérien. Il faut aussi poursuivre la gestion du changement au sein des agences.